Étiquettes : sécurité alimentaire, projet impact collectif
Sur l’île de Montréal, plus d’une personne sur cinq (21 %) a du mal à se nourrir convenablement. C’est plus que partout ailleurs au Québec. Dans l’ensemble, 17 % des Québécois sont touchés par l’insécurité alimentaire, un taux qui a augmenté depuis le début de la pandémie en 2020, alors qu’il se chiffrait à 11 %.*
Pour les personnes qui vivent en situation de pauvreté, bien s’alimenter est un défi quotidien, d’autant plus si elles habitent un désert alimentaire et qu’elles doivent se déplacer à des kilomètres pour faire leur épicerie et subvenir à leurs besoins.
Un désert alimentaire est une zone urbaine où l’accès à des produits frais et abordables à distance de marche est limité ou inexistant.
La majorité des quartiers du Grand Montréal se mobilisent autour de l’enjeu de l’accessibilité à des aliments frais et abordables sur leur territoire. Pour plusieurs d’entre eux, la solution passe par le déploiement de systèmes alimentaires locaux qui intègrent notamment des projets d’agriculture urbaine, des marchés de quartier, des épiceries solidaires et des cuisines collectives. Ces systèmes alimentaires viennent répondre aux besoins des personnes en situation de pauvreté tout en s’intégrant aux grands principes de développement durable.
Pour être efficaces, les systèmes alimentaires locaux nécessitent la collaboration de plusieurs partenaires (organismes communautaires, municipalités, santé publique, citoyens, etc.), que ce soit pour la production, la transformation ou la distribution des aliments, ainsi que pour l’instauration de bonnes pratiques en matière de recyclage et de compostage.
Les tables de quartier appuyées par Centraide jouent un rôle central dans le déploiement des systèmes alimentaires locaux. Elles rassemblent les partenaires, les amènent à réfléchir ensemble aux solutions et les épaulent dans leurs actions.
Le Projet impact collectif (PIC) coordonné par Centraide du Grand Montréal soutient actuellement sept quartiers fortement engagés pour améliorer l’accès à une alimentation saine et abordable.
Centre-Sud
Lachine
LaSalle
Mercier-Ouest
Saint-Michel
Verdun
Ville-Émard-Côte-Saint-Paul
Dans certains quartiers tout est en place, dans d’autres des composantes existent, mais encore bien des choses sont à inventer et à organiser.
Les pièces maîtresses des systèmes alimentaires locaux
Un jardin ou une serre… pour cultiver
Un marché ou une épicerie solidaire… pour distribuer et consommer
Une cuisine… pour récupérer et transformer
Les bienfaits des systèmes alimentaires locaux ne se limitent pas à l’accès à des produits frais et abordables. Les citoyens en tirent des bénéfices pour assurer leur sécurité alimentaire, mais aussi pour développer des compétences en s’initiant à la culture maraîchère ou en cuisinant collectivement. La nourriture devient un excellent moyen de tisser des liens étroits entre les citoyens et de bâtir des réseaux d’entraide.
Saint-Michel
L’idée a d’abord germé en 2016 dans l’esprit de Karine Lévesque, une enseignante à l’école Louis-Joseph-Papineau en Formation préparatoire au travail auprès d’élèves dysphasiques sévères : créer un immense potager sur les terrains de l’école pour offrir une expérience positive à ses élèves et nourrir la population de Saint-Michel, un quartier où se trouvent plusieurs zones de défavorisation.
L’année suivante, porté par la table de quartier Vivre Saint-Michel en santé, le projet des Jardins des patriotes voyait le jour et ce, grâce au soutien du Projet impact collectif (PIC). Depuis, le projet n’a cessé d’évoluer. En 2018, une serre de 167 m2 s’ajoutait au grand jardin. En septembre 2020, l’école Louis-Joseph-Papineau accueillait une première cohorte de 25 élèves au programme EAU, une option en environnement et agriculture urbaine unique au Québec.
En plus de permettre aux élèves de participer à des activités pédagogiques et éducatives, les jardins et la serre de l’école alimentent le quartier en fruits et légumes frais et abordables.
Les récoltes sont envoyées dans des organismes communautaires, transformées dans des cuisines collectives et vendues au Marché solidaire Saint-Michel.
L’été, quand les élèves sont en vacances, des bénévoles prennent la relève pour poursuivre la production et l’entretien des jardins et de la serre.
Ce projet novateur a vu le jour grâce à la collaboration étroite entre les organismes communautaires et les partenaires locaux de Saint-Michel, l’engagement de l’école secondaire Louis-Joseph-Papineau, et à la participation de l’École des métiers de l’horticulture de Montréal.
Entre avril 2021 et mars 2022, la serre et le jardin productif ont permis de récolter 1556 kg de fruits, légumes et fines herbes. Au total 16 variétés de légumes ont été cultivées. Des milliers de personnes ont bénéficié de ces récoltes dans le quartier.
Lachine
À l’été 2018, des organismes communautaires de Lachine se sont associés dans le cadre du Projet impact collectif (PIC) pour mettre sur pied des kiosques hebdomadaires de vente de fruits et légumes dans des secteurs de Lachine considérés comme des déserts alimentaires.
Il s’agissait là de la première initiative mise sur pied par le Groupe de travail en sécurité alimentaire de Lachine (GTSAL), en collaboration avec la table de quartier Concert’Action, destinée à l’implantation du système alimentaire lachinois.
Quatre ans plus tard, Les P’tits marchés de Lachine, qui depuis ont acquis un camion réfrigéré, déplacent leur cargaison de fruits et légumes frais dans six lieux différents chaque semaine pour rejoindre des populations vulnérables. Ils s’arrêtent aux abords des locaux d’organismes communautaires ou dans des parcs.
L’un de ces mini-marchés se trouve sur la terrasse du COVIQ, à Duff-Court, considéré comme l’un des plus grands ensembles de HLM au Canada avec ses quelque 400 logements répartis dans neuf immeubles.
C’est dans ce complexe d’habitation que se trouve La Ferme Urbaine Duff-Court gérée par le COVIQ, un projet d’agriculture urbaine en plein essor qui fournit une part des produits vendus aux mini-marchés hebdomadaires. L’autre part provient du Jardin du Triangle Fleuri, un jardin collectif situé à Saint-Pierre et de quelques fermes biologiques situées non loin de Montréal.
En plus de répondre à des besoins criants en sécurité alimentaire, ces projets d’agriculture urbaine favorisent l’engagement citoyen et font émerger un sentiment de fierté chez les résidents. Tout comme les P’tits marchés, ils sont aussi des lieux de rencontres entre voisins et amis.
En 2021-2022, 1 626 personnes se sont approvisionnées dans les mini-marchés mobiles de Lachine et Saint-Pierre.
Ville-Émard-Côte-Saint-Paul
Les organismes communautaires réunis autour de la table de quartier Concertation Ville-Émard-Côte-Saint-Paul se sont aussi donné comme mission de mettre en place un système alimentaire local. Au cœur de ce système, L’Épicerie Solidaire Paule et Émard, un lieu unique, chaleureux et convivial, aménagé dans l’ancien garage de La Maison d’entraide Saint-Paul et Émard sur la rue Drake, à deux pas du métro Jolicoeur.
L’Épicerie Solidaire est ouverte à tous. En choisissant d’y faire ses achats, les citoyens participent à un projet de quartier qui contribue à réduire l’insécurité alimentaire dans leur milieu.
L’Épicerie Solidaire offre des produits à un prix plus bas que les supermarchés et les dépanneurs du quartier. En plus des fruits et légumes frais, on y trouve des produits en vrac, des épices, de la viande congelée, des produits transformés et plus encore.
Une journée par semaine, l’accès est réservé aux ménages qui bénéficient du programme « P’tit marché », une épicerie subventionnée. Un système de bons d’achat pour l’Épicerie Solidaire a également été instauré en partenariat avec plusieurs organismes et institutions du quartier. Il permet à de nombreux ménages qui fréquentent d’autres organismes du quartier de bénéficier de l’aide alimentaire.
L’Épicerie Solidaire répond à toutes les dimensions de l’accessibilité : économique, grâce aux bas prix; culturelle, en raison de la diversité des produits qui répond aux besoins des diverses communautés présentes dans le quartier; et géographique, compte tenu de sa proximité avec les personnes en situation de pauvreté.
Elle est aussi un lieu de rencontres pour les citoyens du quartier où ils peuvent échanger, obtenir de l’information et des références vers d’autres ressources. Briser l’isolement est parfois la motivation première pour s’y rendre.
Le système alimentaire de Ville-Émard-Côte-Saint-Paul compte également des jardins collectifs, des bacs nourriciers, des cuisines communautaires, des marchés-mobiles, la livraison de paniers de fruits et légumes, ainsi que des activités de sensibilisation et d’information.
*Donnée : Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), automne 2021.